Comment faire faillite : 4/ dépenser l’argent que l’on n’a pas.

Qui pourrait bien avoir l’idée saugrenue de dépenser de l’argent qu’iel n’a pas au lancement de son activité ?
Vraiment quand on y pense, c’est comme dans le quotidien, autant que possible, on évite le découvert et il ne viendrait à l’idée de personne de sciemment s’y retrouver pour payer des choses non vitales.
Et pourtant, quand on parle d’entrepreneuriat, ce comportement est hyper fréquent.

On en discute aujourd’hui, juste après un petit disclaimer.


Avant-propos :
Cet article fait partie d’une série ayant pour but de sensibiliser et de faire réfléchir sur ce qui peut conduire le meilleur des projets à la faillite, si géniale que l’idée d’origine ait pu être.
Si j’ai choisi de communiquer sur ce thème, ce n’est absolument pas dans une dynamique professorale ou condescendante, bien au contraire.
Il n’y a ici aucun jugement de valeur, mon but n’est pas de pointer du doigt les gens qui tomberaient dans les pièges que je vais décrire au long de ces publications ; ce que je souhaite, c’est partager des expériences, qu’il s’agisse des écueils rencontrés par notre clientèle ou de mes propres échecs.
Certaines personnes le savent, j’ai commencé à entreprendre maladroitement et surtout très jeune, à 12 ans, en toute illégalité au regard de mon âge à l’époque, principalement pour des questions de survie.
J’ai échoué de nombreuses fois, appris tant bien que mal de mes échecs, persisté inlassablement.
Et je souhaite tout simplement communiquer sur ce que j’aurais aimé savoir lorsque j’ai débuté, il y a quelques décennies déjà.
Aussi, je vous invite à prendre ces articles pour ce qu’ils sont : des réflexions et des conseils et pas une tentative de m’ériger en donneurse de leçons.


Après avoir vu comment ne pas commencer au mauvais moment, comment ne pas non plus la jouer solo ou encore pourquoi il ne faut pas s’éloigner de ses valeurs fondamentales, on va discuter d’un écueil étroitement lié à ces trois précédents sujets : dépenser l’argent que l’on n’a pas.

Dépenser l’argent que l’on n’a pas en commençant au mauvais moment.

Quand on a parlé de commencer au mauvais moment, j’expliquais que l’une des conséquences financières potentielles consiste en une amende pour des manquements légaux.

Toutefois, ça n’est pas la seule façon de dépenser de l’argent que l’on n’a pas.
L’autre, bien plus fréquente, consiste à se dire qu’on va commencer tout de suite avec un énorme site internet et une boutique et des milliers d’options payantes alors que l’on n’a pas encore fait la moindre vente.

Parce que commencer au mauvais moment, comme on l’a vu, c’est commencer sans étude de marché express, sans savoir si notre produit ou service a un public, sans avoir une ligne éditoriale associée à des besoins clairement identifiés, c’est donc commencer à financer son activité sur son argent personnel.
Donc l’entreprise dépense de l’argent qu’elle n’a pas.

Autrefois, cette étape était difficile à éviter, parce qu’il était obligatoire de lancer une entreprise avec une déclaration d’activité coûteuse, ce qui obligeait parfois à emprunter pour débuter son activité.
Aujourd’hui, vous pouvez gratuitement débuter une auto entreprise (vraiment gratuitement, via le site de l’Urssaf directement, ne vous faites pas avoir par les fakes sites “officiels” pour auto entrepreneurs !), il n’existe donc AUCUNE raison de débuter une activité en la finançant de sa poche.

“Ouais mais j’ai besoin d’un site internet pour toucher une audience”.

Tout à fait d’accord.
Et si vous vous formez un peu, gratuitement, en ligne, vous aurez besoin d’une centaine d’euros pour lancer votre site internet avec le strict nécessaire.
Et si vous n’êtes pas capable, avec vos idées actuelles, de vous faire cette centaine d’euros pour lancer votre site, ne lancez pas ce site, reprenez le process dans l’ordre et commencez cette étape au bon moment.

Et surtout, posez vous la question de savoir si vous n’êtes pas aussi en train de commettre la deuxième erreur que l’on a évoquée ensemble au cours des semaines passées !

Dépenser l’argent que l’on n’a pas, en la jouant solo.

Si vous étiez à deux doigts de dépenser l’argent que votre entreprise n’a pas sur un site internet, je prédits que vous aviez aussi prévu de le faire pour des flyers, des cartes de visite, etc.

Et avec l’excuse la plus délicieuse du monde : il faut bien que les gens entendent parler de vous.

Si les gens n’ont pas entendu parler de vous, alors vous avez fait votre tambouille dans votre coin, vous bossez sans équipe, direction le mur à la vitesse de pointe d’un TGV.
Vous pouvez imaginer la violence du choc, j’en suis sûre.

En fait, c’est relativement simple, si vous dépensez votre argent plutôt que celui de votre activité, pour un site et du print pour parler d’une activité dont personne ne sait rien et qui a des chances de ne s’adresser à personne si vous n’avez jamais défini votre avatar client, vous allez vous retrouver un jour à vous dire que vous êtes naze et que vous n’avez aucun avenir parce que vous verrez les dépenses, mais pas les entrées.

Mais vous n’êtes pas naze, vous avez juste peur.
Peur de confronter l’idée aux avis des autres, peur de devoir vous dire que non, cette idée n’est pas parfaite et que oui, il va falloir la retoucher.
Et alors ?

Est-ce qu’il vaut mieux faire une micro presta pour avoir 30 € à investir dans une étude de marché qui va vous permettre d’affiner l’idée, la corriger et vous lancer dans une aventure possiblement durable, ou rester dans votre coin, à jeter de l’argent par la fenêtre et espérer que ça convaincra une personne richissime qui vous donnera miraculeusement un an de CA en une seule commande ?

Si vous vous apprêtez à investir, même un euro symbolique, dans votre entreprise, il doit venir de votre entreprise et il doit avoir l’aval moral d’au moins deux autres personnes (même si, à terme, idéalement, on doit être 7 dans une équipe).
Tenez vous à cette règle et vos décisions seront plus fructueuses pour vos projets.

Après, bien sûr, il reste un petit écueil comptable, qu’il ne faut pas négliger.

Dépenser l’argent que l’on n’a pas, parce qu’on zappe ses valeurs quand on parle affectation du CA.

Jusqu’à présent vous avez évité les écueils et c’est avec plaisir que vous dégagez un CA confortable.
Arrive la clôture de l’exercice comptable et les décisions qui s’imposent sur quoi faire de l’argent.
A ce moment là, le réflexe est trop souvent le suivant : payer les taxes et cotisations (pas le choix), payer les salaires et partenariats, vous verser le reste.

Et pour en avoir discuté avec un paquet de personnes, ce modèle est très commun.

Double question :
1/ si tout le CA est distribué, quels sont les fonds propres de l’entreprise qu’elle pourra dépenser par la suite sans avoir besoin que vous réinvestissiez dedans ?
2/ à quel moment vos valeurs interviennent ?

Je sais, ça pique un peu comme question.
Et en même temps c’est important parce qu’une entreprise, comme toute organisation, nourrit un objet, un but.
Pour qu’elle puisse l’accomplir, elle a besoin de fonds.
Elle a aussi besoin de rester alignée sur ses valeurs.

On ne peut évidemment pas couper à certains paiements obligatoires, en revanche, il y a des choses qui peuvent se renégocier.

Si vous n’êtes pas en auto-entreprise et que vous payez des salaires, vous devez vous débrouiller pour réduire les autres postes de dépenses si vous voulez garder une part de CA pour réinvestir dans l’entreprise.
Pas de miracle, il va falloir tailler dans les partenariats.
Et il existe deux manières de le faire.
La version bourrine consiste à les remplacer par des prestations classiques si elles peuvent être moins coûteuses.
La version plus intelligente consiste à proposer à un de vos salariés (ou à une nouvelle embauche) de se former et de remplacer le partenaire, en tant que salarié (avec la revalorisation de salaire qui va avec !) ou en tant qu’AE prestataire (sans dumping, ce n’est pas à vous d’établir le prix et il sera nécessairement au moins équivalent au brut que vous auriez payé un salarié).

L’autre alternative consiste à… moins vous payer, tout simplement.

Alors oui, je fais grincer des dents parce que nia nia nia, l’entreprise sert à devenir riche.
Non.
Une entreprise doit servir à vous rendre libre, elle doit permettre à vos salariés de bien vivre, sans être exploités pour autant et si vous estimez ne pas gagner assez, la solution c’est de mettre la main à la patte plus souvent.

Et si vous êtes dubitatif, voilà une différence de pratique entre des petites entreprises qui font un chiffre confortable et dont la direction se paie bien vs les entreprises qui coulent rapidement : l’homme le plus riche de babylone.

Oui la différence est un livre et plus précisément une philosophie économique défendue dans le livre : quoi qu’il arrive, payez vous 10%.
Et commencez par ça.

Si après vous être payé, il n’y a pas assez dans la caisse pour tout le reste, réinvestissez de votre poche pour que l’équilibre comptable y soit et faites urgemment un point avec votre équipe pour trier ce qui fonctionne, ce qui ne va pas et agir en conséquence.

Si après vous être payé, il y a un excédent de trésorerie, c’est absolument parfait, c’est ce qu’on veut.
Pas pour vous payer plus, mais pour bosser mieux.
L’argent va nourrir trois axes :
1/ 30% de l’excédent va en prime à vos salariés (sans discrimination à l’attribution), ils sont votre ressources principales, plus ils sont heureux, mieux ça tournera.
2/ 30% de l’excédent va à financer des solutions pour les 80 % de problèmes récurrents, qu’on parle de problèmes internes ou de problèmes des clients.
3/ 30% de l’excédent reste en caisse pour financer les prochaines dépenses de la boîte.

De cette manière, vous récompensez l’alignement avec vos valeurs, vous vous assurez que ce qui ne marche pas reçoive le budget pour trouver ses solutions et vous n’aurez pas à sortir des sous de votre proche pour la suite.

Astuce : vous avez besoin d’augmenter l’excédent de trésorerie et vous ne savez pas comment le faire ?
Passez à la semaine de 4 jours ! Et on parle d’une semaine de 28 h, pas de 4 jours de 12 heures, qu’on soit bien clairs.
Vous conservez la même masse salariale, elle est plus reposée, elle a de meilleurs résultats, vous avez un meilleur CA, toutes les études vont dans ce sens.

Bon et évidemment, votre CA est aussi intrinsèquement lié à ce que vous facturez à votre clientèle.
Alors si vous dépensez l’argent que vous n’avez pas, c’est peut-être aussi parce que vous basez bêtement votre concurrence sur le prix.
Mais ça, c’est un écueil pour une autre semaine.
D’ici là, pensez budget, pensez timing, pensez en équipe, pensez à vos valeurs et interdisez vous de dépenser l’argent que vous n’avez pas !

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