Machin a commencé seul dans son garage, bidule a réussi alors qu’il était sans abri à l’origine, les “vrais génies” font tout par eux-mêmes… Ou pas.
Le mythe des self made (wo)men est tenace : malgré de nombreux debunks, malgré les témoignages de ces gens qui ont accompli des choses absolument incroyables et qui démontrent à quel point leur entourage a été la clé, on veut continuer de croire, dur comme fer, que la réussite est le fruit de l’individualité.
Et si c’était précisément tout le contraire ?
On en discute aujourd’hui, juste après un petit disclaimer.
Avant-propos :
Cet article fait partie d’une série ayant pour but de sensibiliser et de faire réfléchir sur ce qui peut conduire le meilleur des projets à la faillite, si géniale que l’idée d’origine ait pu être.
Si j’ai choisi de communiquer sur ce thème, ce n’est absolument pas dans une dynamique professorale ou condescendante, bien au contraire.
Il n’y a ici aucun jugement de valeur, mon but n’est pas de pointer du doigt les gens qui tomberaient dans les pièges que je vais décrire au long de ces publications ; ce que je souhaite, c’est partager des expériences, qu’il s’agisse des écueils rencontrés par notre clientèle ou de mes propres échecs.
Certaines personnes le savent, j’ai commencé à entreprendre maladroitement et surtout très jeune, à 12 ans, en toute illégalité au regard de mon âge à l’époque, principalement pour des questions de survie.
J’ai échoué de nombreuses fois, appris tant bien que mal de mes échecs, persisté inlassablement.
Et je souhaite tout simplement communiquer sur ce que j’aurais aimé savoir lorsque j’ai débuté, il y a quelques décennies déjà.
Aussi, je vous invite à prendre ces articles pour ce qu’ils sont : des réflexions et des conseils et pas une tentative de m’ériger en donneurse de leçons.
Précédemment, nous avons abordé ensemble le danger d’un timing inadapté au lancement d’un projet : commencer au mauvais moment, que ça soit trop tard ou trop tôt, peut être lourd de conséquences.
Et au cours de cet article, nous avons mentionné le besoin de travailler en étroite collaboration avec d’autres personnes, notamment pour déléguer des tâches préalablement triées à l’aide de la méthodologie QQOQCP et de la matrice d’Eisenhower.
Aujourd’hui, nous allons voir pourquoi il est profondément absurde de choisir de la jouer solo plutôt que de bénéficier de la présence de personnes autour de nous.
La jouer solo et se planter avec une fausse bonne idée.
Nous avons déjà parlé du concept de mentalité de rareté, vous savez, la théorie selon laquelle si vous avez une idée et qu’elle vous paraît géniale, alors il ne faut surtout pas en parler parce qu’aucun autre être humain ne peut avoir eu la même et que tout le monde va vouloir vous la piquer.
Non.
Déjà, statistiquement, il est très improbable que vous ayez une idée qui n’a été pensée par personne d’autre, ensuite, si n’importe qui peut vous la voler, ça n’est pas VOTRE idée, c’est un concept générique, la différence étant que pour que ça soit votre idée, ça doit passer par le prisme de vos valeurs fondamentales (vous savez, ce truc dont on a parlé quand on causait tribalité).
Ensuite : admettons.
Vous avez l’idée du siècle, que dis-je, du millénaire !
Et vous restez cloîtré chez vous à n’en parler à personne jusqu’au jour J.
Qui c’est qui n’a fait aucune étude de marché (pas même une version express) et qui n’a donc pas réellement identifié son avatar client et s’apprête à sortir une idée génialissime sans la communication adaptée et sans avoir vérifié l’adéquation des attentes, notamment de prix, quitte à vendre trop low cost ou bien trop haut de gamme ?
Bon…Par un miracle digne des promesses de nos plus grands influmenteurs promoteurs d’arnaques, vous avez tapé tout juste.
Ben… Vous n’allez pas faire un centime pour autant.
Vous savez pourquoi ?
Parce que personne ne sait que votre idée a été concrétisée.
Ok, par un nouveau miracle obtenu parce qu’une bonne étoile n’a que ça à faire de ses journées, l’info parvient au monde entier et…
Je sais pas, vous préférez que je vous dise que comme vous avez vécu reclus, en fait vous ignorez qu’elle est déjà désuète ?
Ou comme vous avez mis trop de temps à communiquer dessus, un être humain touché par la grâce a eu une idée similaire, s’est lancé avec des potes et a tellement bien présenté le projet et ses avancées dans le temps qu’il vous a coiffé au poteau en étant sponsorisé par des gros comptes ?
Et oui, pour faire faillite avant même d’avoir commencé, la meilleure solution, c’est d’avoir de l’ego et croire qu’on sait ce que personne d’autre ne peut savoir.
Enfin… C’est pas une attitude forcément vouée à la faillite, il y a aussi la carrière de Gourou où vous êtes la personne détenant une vérité unique et seuls vos initiés pourront vous rejoindre, mais elle a de fortes chances de vous conduire en prison donc… On met l’ego de côté, ok ?
“Pourtant, on entend très souvent parler de solopreneur”.
Mouais…
Il y a deux écoles : ceux qui vous disent rapidement que c’est pas un bon plan et que les infopreneurs (pour reprendre l’activité la plus abordable en solo) ont en réalité un entourage important parce que leur réussite est basée sur le réseautage et ceux qui vous disent que vous pouvez faire un million depuis votre canapé et ils ont une vérité connue d’eux seuls, relire le paragraphe précédent (et ne pas payer 10k€ pour aller à des conférences sur fond New Age pour ne rien faire de plus que les enrichir).
Mais on va admettre 2 minutes que vous avez une activité dont l’essentiel peut être réalisé par vous et vous seulement, assez aisément.
Est-ce que l’aventure solo peut vraiment se tenter ?
L’invisibilité du solopreneuriat
J’aurais aimé vous raconter l’histoire d’une artiste qui peint et qui se dit qu’elle pourrait commencer une école digitale de peinture, mais je crois que vous savez déjà plutôt bien que les artistes ont besoin de réseauter et d’une forte communauté pour vivre, donc on va partir dans des choses plus techniques.
Votre oncle est un féru de bricolage.
Et vous savez que pendant vos premières années d’indépendance, vous auriez vraiment aimé avoir plein de vidéos tutos de bricolage pour vous aider à voler de vos propres ailes.
Donc votre oncle a un marché à prendre en se lançant en tant que solopreneur / infopreneur en bricolage.
Sauf que tonton, il sait bricoler.
Filmer, monter, partager, déjà un peu moins.
Bon, ça s’apprend, donc il va passer des semaines voire des mois à se former.
Puis il va sortir une super vidéo.
Et il va apprendre que pour que ça soit vu, il faut une communauté et jouer sur un truc qu’on appelle le référencement.
Et le temps qu’il se forme aussi à ça, 4 autres personnes auront pris la place, parce qu’elles se sont entourées de personnes compétentes dans chaque domaine nécessaire.
Travailler entièrement seul, c’est prendre le risque de ne jamais être visible et de faire tout ça pour rien.
Et qu’on parle de matos vidéo, du temps passé à se former au lieu de prester, etc, ben la ruine pointe vite le bout de son nez.
Autre cas d’école.
Vous n’arrêtez pas d’entendre parler de personnes qui ont tout plaqué pour vendre des bougies ou des parfums.
Et ça tombe bien, vous avez déjà des compétences dans ces domaines.
Donc vous allez ouvrir une petite boutique en ligne, peut-être même que vous allez débuter sur une plateforme comme Etsy.
Vous préparez un batch de 200 bougies, vous remplissez 1000 fioles trop mignonnes de parfum et zou, en ligne.
Franchement, qui ne peut pas faire ça en solo, les doigts dans le nez ?
Toute personne qui n’a pas envie de se prendre un contrôle parce que les bougies et les parfums relèvent des réglementations propres aux produits cosmétiques et nécessitent des encadrements bien précis.
Les parfums, notamment, doivent avoir une composition contrôlée et attestée (par ce qu’on appelle un “dossier cosmétique”).
Ajoutons à ça que comme vous avez décidé de faire “comme tout le monde”, vous n’avez ni conditions de vente, ni immatriculation (donc pas d’identification de l’entreprise) et ding ding ding ding, payez l’amende, allez jusqu’à la case départ et ne touchez surtout pas 20 000 euros.
Et oui, en la jouant solo, vous avez une cape d’invisibilité, sauf pour les contrôles légaux.
Parce que vous n’êtes pas super(wo)man et ne pouvez pas tout anticiper, ni tout faire dans l’ordre comme on en parlait dernièrement.
Mais plus largement, si on choisissait une activité simple (genre du consulting, ça c’est un solopreneuriat hyper répandu) quels seraient les risques ?
La jouer solo et se retrouver… à souffrir de sa solitude.
Si vous vous égarez un peu sur YouTube (notamment parce que vous cherchez des vidéos pour documenter un sujet), vous allez vite trouver pas mal de vidéos de consultants, que ça soit en nouvelles technologies, en psychologie, en tout ce que vous pourriez imaginer.
Et vous allez voir que la plupart de ces personnes proposent des formats de podcast ou d’interview, sinon du facecam avec des études de cas, mais rarement du simple facecam.
Et il existe une raison à cela : la solitude.
Lorsque vous décidez de devenir consultant, en tant que solopreneur plutôt qu’entrepreneur, c’est généralement que vous avez une expertise dans un domaine, suffisante pour qu’une école ou un grand groupe privé vous ait proposé de venir donner des conférences sur le sujet et que vous vous êtes dit “ma foi, autant faire d’une pierre plusieurs coups, je me lance en solo et je vais aller chez eux, puis chez d’autres et lancer ma chaine Youtube”.
A ce stade, vous avez déjà un assez gros bagage professionnel, culturel et même financier pour vous lancer, quitte à faire monter les vidéos par un lambda débusqué sur une plateforme de prestataires (et que vous veillez, bien évidemment, à ne pas sous-payer, pour ne pas contribuer au dumping qui est une mise à mort socio-économique).
Du coup vous faites une conférence en demandant à ce qu’elle soit filmée sous plusieurs angles et qu’on vous remette les rushs à la fin, vous faites monter des vidéos sur cette base et de temps en temps vous produisez un contenu plus intimiste, comme un cours privé et vous abreuvez les plateformes vidéos du résultat et vous allez vite avoir beaucoup d’abonnés.
Et comme vous en avez beaucoup, vous avez beaucoup de questions, donc beaucoup d’opportunités de création de contenu, alors vous allez recommencer à faire de nouvelles vidéos sur de nouvelles thématiques, puis de nouvelles conférences, puis un livre et vous aurez de nouvelles questions, bla bla bla.
Et à la fin, ça sera vous et votre travail.
Parce que les gens autour de vous seront seulement des prestataires, des contacts administratifs, rien de plus.
Et l’être humain reste un animal social, vous ne pourrez pas y survivre indéfiniment, pas si vous voulez vivre sans rien regretter.
Pour éviter ce cercle vicieux presque tabou, les solopreneurs rejoignent souvent des “masterminds”, id est, des groupes composés d’autres consultants, d’horizons divers, pour debrief, parler projet, se remettre à jour dans certains domaines, parler de l’avenir bref… faire ce qu’un entrepreneur fait en équipe sur une base plus régulière.
L’autre alternative, c’est de développer ce format qui est vraiment intimiste cette fois, pas l’illusion d’un cours avec un élève imaginaire, mais un vrai dialogue avec un vrai humain autre que soi, qui permet de ne pas seulement apporter son propre contenu, mais bien de laisser l’autre nous enrichir de ses expériences.
Et cet autre n’a pas besoin d’être un confrère consultant, ça peut être une personne qui fait partie de votre avatar client et qui a une petite notoriété et surtout un message important à faire passer, en adéquation avec vos valeurs.
Bref, la jouer solo, c’est risquer sa santé physique, mentale et/ou financière.
Evidemment que l’on continuera à vouloir adhérer au mythe des self made (wo)men, comme s’iels travaillaient en solo dans leur coin, en fermant les yeux sur le fait que chaque exemple donné est à la fois frauduleux et une bonne illustration du concept de biais du survivant (dont le danger est bien expliqué par Frédéric Fréry dans cette vidéo).
Mais à moins de vouloir faire les choses au mépris des lois, à moins d’être si fortuné que vous n’en avez cure de jeter l’argent par les fenêtres (auquel cas, allez soutenir des artistes et des associations, ça fera plus de bien dans le monde et c’est plus intéressant que de racheter un réseau social pour le détruire parce que vous n’assumez pas que vous devez vos “réussites” à une fortune colossale et à la rapidité avec laquelle vous faites oublier tous vos échecs cuisants), vous préférez avoir l’intelligence de vous dire que le premier pas vers la réussite et vers votre rêve, c’est de reconnaître qu’à plusieurs, on va plus loin.
Entourez vous, entourez vous de gens qui partagent vos rêves et qui ont échoué par le passé et pourront vous apporter leur expérience pour éviter de connaître les mêmes écueils.
Et cessez d’imiter les gens qui vous vendent une réussite “à coup sûr” en suivant “les méthodes des plus grands noms”, parce que plus vous imiterez, moins vous serez en phase avec vos valeurs, le prochain piège dont nous parlerons ensemble.
D’ici là, portez vous bien 🙂
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